Qui connaissait Marciac, modeste commune rurale du département du Gers, avant que le jazz ne s’y installe le temps de quelques festivals estivaux ? Il faut dire que le territoire, ses habitants, ses associations et ses édiles ont fait ce qu’il fallait pour qu’il y reste, y prospère et attire chaque année davantage de musiciens et de spectateurs des cinq continents.
A partir de ce modèle combinant culture, tourisme, consommation de produits locaux de qualité (foies gras, confits, vins locaux, Armagnac…), mais aussi fête et convivialité, d’autres territoires se sont dotés de dispositifs pour faire de la culture un axe fort de stratégie de développement dans la durée. L’étude menée dans le cadre de l’Unité Mixte de Recherche toulousaine Dynamiques Rurales sur le festival de jazz de Marciac en est un exemple et a donné lieu à la réalisation d’un film-recherche : Le village qui fait jazzer.
Les deux axes du film sont, d’une part, l’ancrage territorial du festival de jazz (il ne s’agit pas d’un festival hors sol) ; et d’autre part, la rencontre ville/campagne ainsi que la construction du lien social. Le film croise trois histoires : l’histoire d’une rencontre, celle du jazz et de Marciac ; l’histoire d’engagements, celle des bénévoles qui portent le festival d’une année à l’autre ; et enfin, une histoire de territoire, celle des produits du terroir qui tissent des liens entre la ville et la campagne.
Le jazz est une forme de conversation. Ce film met le territoire en musique. Ainsi le dispositif filmique a consisté à organiser les scènes d’entretiens et de concerts sous forme de conversations. Des extraits musicaux des différents concerts ponctuent le film et la vie marciacaise tout au long des saisons. Les scènes de vie du village sont montées comme des morceaux de musique. Le village qui fait jazzer permet de voir et d’entendre ce que les autochtones et les allochtones disent et vivent de leur territoire dans l’interaction avec l’événement culturel : le festival de jazz.
D’une certaine façon, « Marciac » est la rencontre entre un projet de résistance et une musique de résistance. Le jazz, musique du sud des États-Unis, d’une terre agricole cultivée par les esclaves, est à la fois une plainte et une résistance des Noirs face à l’oppression des Blancs, un cri arraché à cette terre lourde, humide qui colle aux pieds et au corps. A son tour, le jazz arrive dans une terre de Gascogne qui résiste au déclin du milieu rural, avec une agriculture qui a compris la nécessité de la diversification pour s’en sortir. Pour les vignerons marciacais le lien avec le jazz « se fait par la terre ».
Le festival aura trente-neuf ans en aout 2017. Nous le considérons comme un rituel festif. Le lieu et le temps des « retrouvailles » témoignent de la rencontre « entre les autres et nous », entre gens de la ville et gens de la campagne, entre jeunes et moins jeunes, entre français et étrangers… Les expériences singulières inscrivent la dynamique temporelle dans la fête. Le « pareil qu’hier » et le « pas pareil » impriment l’ici et le maintenant. Le connu et l’inconnu donnent à lire le sens fort de la fête. Aujourd’hui, dans les territoires ruraux la fête a un prix : celui de lier plus qu’hier le besoin d’être ensemble, le plaisir de partager et de pouvoir contribuer au développement local.
Ce film recherche a été réalisé dans le cadre de l’étude « Événement culturel et dynamique territoriale » de l’UMR Dynamiques Rurales financée par la Région Midi-Pyrénées, le Conseil Général du Gers et le Conseil Général des Hautes-Pyrénées.
Production : ENFA, UMR Dynamiques Rurales
Auteurs : Jean-Pascal Fontorbes et Anne-Marie Granié
Réalisateur : Jean-Pascal Fontorbes
Prise de vue : Jean-Pierre Brouat, Jean-Pascal Fontorbes et Gilles Savary
Prise de son : Marie-Pierre Thomat et Mathieu Buytaert
Montage : Gilles Savary
Mixage : Luc Filateros (Studio Le Graal)